On en voit de plus en plus sur les réseaux sociaux : des bébés chimpanzés en robe, entourés d’enfants, mis en scène en étant attablés pour le petit-déjeuner. Au premier abord, on peut avoir l’impression que l’animal al’air choyé, amusé, heureux. Et pourtant c’est tout le contraire. Alors, pourquoi est-il important d’agir contre ce genre de publications ?

Ficma feeding

Quand on aime les animaux et que l’algorithme de TikTok ou d’Instagram l’a compris, celui-ci nous propose rapidement de visionner ces vidéos, qui reprennent toujours la même recette : un animal dans des situations qui peuvent sembler “comiques” ou attendrissantes. Mais s’il est désormais considéré comme choquant de voir des lions ou des tigres en appartement, ce n’est malheureusement pas encore le cas pour les primates. Après tout, ce sont nos plus proches cousins, ils nous ressemblent : comme nous, ils parlent, sourient, font des câlins, dorment la nuit… Souvent sont visés des bébés ou de très jeunes chimpanzés, qui semblent faire partie intégrante de leur “famille d’humains”. Malheureusement, ce phénomène soulève de nombreuses et graves problématiques.    

Pourquoi est-ce de la maltraitance animale ?      

Bien que nous nous ressemblions génétiquement, physiquement et sur bien des aspects, une cohabitation Homme-Animal telle qu’on la voit sur les réseaux sociaux n’est ni viable, ni saine. 

En effet, dans la plupart des cas, ces jeunes primates sont arrachés à leur mère avant leur sevrage.  Ces bébés ont alors été mis en vente sur des marchés ou au bord de la route, comme de vulgaires objets.  Ces nouveaux propriétaires ont alors parfois l’impression d’avoir fait une bonne action :  ils ont sauvé un animal d’une mort certaine N’ayant aucune expérience, ils vont alors s’en occuper comme d’un bébé.

Toutefois l’alimentation d’un animal varie bien sûr d’une espèce à l’autre, mais s’agissant des chimpanzés elle est composée majoritairement de lait maternel, de végétations et parfois de petits mammifères ou insectes introduits progressivement. Proposer du lait de vache, des biscuits, du soda, des céréales comme on peut le voir sur les réseaux sociaux revient à condamner le bébé soi-disant choyé en adulte malade/diabétique/obèse/ à la santé déplorable. 

Par ailleurs, nous n’avons pas les mêmes codes sociaux ni le même langage que les chimpanzés, et ceci est fondamental à comprendre. Un chimpanzé ne « sourit » pas pour nous signaler son amusement mais pour montrer son agressivité, il ne met pas ses doigts dans sa bouche parce qu’il fait ses dents mais parce qu’il est très stressé. C’est d’ailleurs un comportement fréquent chez les jeunes chimpanzés qui ont eu un début de vie traumatique. Laver, habiller, parfumer un animal l’empêche de développer des comportements naturels tel que le toilettage, rituel essentiel à une bonne santé psychologique et physique. Ces jeunes animaux sauvages sont souvent montrés évoluant avec des enfants ou d’autres animaux de compagnie. Or, ces espèces à la vie sociale riche et complexe ont besoin de congénères à qui s’identifier, avec qui communiquer et de qui apprendre pour être en bonne santé mentale. Un chimpanzé isolé n’est pas un chimpanzé heureux.

D’où vient l’animal ?      

Certains animaux sont secourus puis détenus et utilisés en tant qu’animal de compagnie à la suite de la mort tragique de leur mère. Néanmoins la plupart, sont issus du trafic mafieux et tentaculaire d’animaux sauvages qui sévit dans de nombreux pays (pour en savoir plus, rendez-vous sur la page de notre campagne 4EverWild).  Leur famille entière aura été traquée par des braconniers, puis décimée.  Pour un bébé chimpanzé récupéré, ce sont en moyenne dix autres chimpanzés adultes qui sont assassinés pour les empêcher de protéger leurs petits. Les adultes sont vendus pour leur viande et les bébés pour répondre à cette demande constante d’animaux de compagnie exotiques. Des articles de presse sur des saisies « exceptionnelles » de plusieurs dizaines de primates en Afrique et en Asie paraissent régulièrement. Pourtant, la grande majorité de ces crimes ne sont pas punis alors même qu’il s’agit d’espèces en danger. Si ces pratiques perdurent à ce rythme, ces animaux que nous ”likons” sur les réseaux sociaux n’existeront plus à l’état sauvage dans les prochaines décennies. 

Et une fois adultes ?      

Après ces vidéos, que se passe-t-il pour les animaux ? Même empreints de l’humain dès leur plus jeune âge, leur nature et leurs besoins s’expriment toujours à un moment. On ne domestique un animal sauvage que très temporairement. S’ils sont très dociles dans l’enfance du fait de leur dépendance physiologique et affective, ils se révèlent agressifs, territoriaux, et montrent des comportements sexuels envers l’humain dès l’adolescence. Ces propriétaires doivent donc se débarrasser de ces chimpanzés devenus “problématiques”, qui mordent leurs enfants et deviennent ingérables.  C’est pour cette raison que vous ne verrez que très rarement de vidéos de chimpanzés adultes.    

Dans le pire des cas, les individus adultes sont abattus, les autres peuvent parfois être replacés dans des zoos ou des sanctuaires qui croulent sous les demandes de prises en charge.  Après une enfance traumatique, ils peuvent enfin y rencontrer des congénères, adopter une alimentation saine et évoluer dans un environnement adapté. Mais malgré le travail passionné des professionnels, ces primates restent souvent mal adaptés et ont beaucoup de difficultés à développer des relations sociales normales avec les autres membres du groupe. Ils resteront par exemple méfiants vis-à-vis de leurs congénères, et chercheront le contact de l’Homme et ne pourront jamais être réintroduits en milieu naturel. C’est le cas de Kabi, jeune chimpanzé capturé dont la mère a été tuée, transféré à l’âge de deux ans au Centre de Réhabilitation de Tchimpounga du Jane Goodall Institute. Les soins et l’attention procurés par les soigneurs lui ont permis de rencontrer d’autres chimpanzés, d’être intégré dans un groupe. Selon son développement social, il pourra rejoindre une des îles du sanctuaire.

Notre pouvoir : nos pratiques sur les réseaux sociaux      

Vous l’aurez compris, ces contenus sont problématiques : plus ils sont vus, likés, commentés, plus ils sont mis en avant par les algorithmes et plus ils créent de la demande. Des commentaires dénonçant la maltraitance sont malheureusement contre-productifs, puisqu’ils créent également du flux et donc de la visibilité ce qui à nouveau entraine une augmentation de la demande. Une seule action peut faire la différence : les signaler et les bloquer systématiquement. Plusieurs réseaux sociaux proposent cette démarche : Instagram, Facebook, Twitter, TikTok. Pour cela, il suffit de cliquer sur les trois points en haut à droite de la publication, cliquer sur “signaler”, puis sur “violence, haine ou exploitation” et enfin sur “maltraitance animale”. Après ce signalement, le réseau social vous propose également de bloquer cette publication et ce compte.   

Copyright des photos : Jane Goodall Institute

Article rédigé par Emma Guillaud