Une nouvelle étude sur la pêche aux termites, à laquelle a participé l’IJGE (Instituto Jane Goodall España) révèle que la culture des chimpanzés est plus complexe que ce que l’on croyait, et qu’elle se rapproche davantage de la culture humaine.

Il y a 60 ans, le D. Jane Goodall découvrait que les chimpanzés sauvages de Gombe (Tanzanie), fabriquaient et utilisaient des outils, par exemple pour pêcher des termites. Après diverses études à travers toute l’Afrique au cours des dernières décennies, nous savons aujourd’hui que les chimpanzés qui vivent à l’état sauvage, font preuve d’une impressionnante diversité de comportements culturels, y compris diverses sortes d’usage des outils. Néanmoins, jusqu’à ce jour, la science ne savait pas si les chimpanzés apprenaient ces comportements en observant et imitant les individus de leurs communautés, ou s’ils les apprenaient par eux-mêmes, et individuellement, par essais et erreurs. Maintenant, grâce à une nouvelle étude panafricaine (Voir l’étude) à laquelle a participé l’IJGE, avec les données du programme de recherche que nous développons au Sénégal, les doutes sur cette question ont été levés.

Au cours de l’étude récente dirigée par le professeur Christophe Boesch du Max Plank Institute for Evolutionary Anthropology à Leipzig, Allemagne, qui a été réalisée dans le cadre du Pan African Programme, The Cultured Chimpanzee (PanAf), nous avons tenté de tester ces hypothèses en étudiant un comportement qui implique l’utilisation d’outils, et qui est relativement courant chez les chimpanzés dans différents pays d’Afrique : la pêche de termites (termite-fishing). Les chimpanzés utilisent des bâtons, des brindilles ou des tiges de taille et rigidité variables pour pêcher des termites, dans deux sortes de nids : les épigées (qui se développent sur le sol) et les nids souterrains.

Une façon de tester ces hypothèses était de comparer le comportement de la pêche aux termites, dans le plus grand nombre possible de communautés de chimpanzés à travers la distribution de l’espèce en Afrique. C’est ainsi que Boesch et son équipe ont observé soigneusement les techniques utilisées par chacun des chimpanzés de 10 communautés différentes. Les résultats obtenus ont été surprenants.

Avant la publication de l’étude, on pensait que la pêche aux termites était un comportement généralisé, dans tous les endroits où ça se passe. Cependant, après une analyse minutieuse des comportements impliqués dans la pêche de termites de chaque chimpanzé, dans tous les lieux étudiés, Boesch et ses collaborateurs ont découvert une grande richesse d’éléments techniques. Au total, l’enquête a enregistré 38 éléments techniques (liés au type d’outil, à l’utilisation qui en est fait, à la position du corps, à la technique manuelle, etc.) qui sont combinés de différentes manières dans les techniques de pêche des termites.

En comparant la façon dont chaque chimpanzé a utilisé et combiné les éléments techniques enregistrés, on a constaté que les individus appartenant à une même communauté, partagent plus de procédés entre eux qu’avec les autres communautés. Cela veut dire que chaque communauté a sa manière caractéristique de pêcher des termites, en combinant des éléments techniques de façons particulières et même présentant des éléments techniques observés uniquement dans cette communauté. Ces différences ont été observées également entre communautés qui vivent dans le même type d’habitat, raison pour laquelle l’influence de l’environnement dans l’utilisation d’éléments techniques peut être écartée.

Dans l’ensemble, les résultats de cette étude soutiennent l’hypothèse que la pêche des termites s’apprend socialement, par l’imitation. En d’autres termes, cette homogénéité de comportements au sein d’une communauté se produit au moyen d’un mécanisme similaire à celui de certains apprentissages en communautés humaines, comme les salutations ou les façons de manger : « De la même façon que ce qui se produit dans les conventions sociales humaines, tu copies ce que font les autres », dit Boesch.

La recherche démontre donc que la culture des chimpanzés et la culture humaine se ressemblent toujours plus, un élément clé pour continuer à comprendre notre espèce. « L’étude profonde et minutieuse de la diversité dans le comportement des chimpanzés dans un grand nombre de communautés, nous permet de rencontrer toujours plus de similitudes entre le comportement de cette espèce et les humains, et dans le cas de cette recherche, entre la culture des deux », dit le Dr. Adriana Hernández-Aguilar, professeur à l’Université de Barcelone, co-directrice de la recherche de l’Institut Jane Goodall Espagne, et coauteur de l’étude avec les autres membres de l’IJGE, dont les données de terrain ont été utilisées pour cette étude panafricaine.

En revanche, « le temps presse : les chimpanzés disparaissent de plus en plus rapidement, principalement en Afrique de l’Ouest. Avec l’extinction de chaque population de chimpanzés, nous perdons l’occasion d’en apprendre davantage sur l’évolution de notre comportement culturel, et par la même, sur nous-mêmes », explique le Dr. Adriana. A ce jour, les chimpanzés d’Afrique de l’Ouest (Pan Troglodytes verus) sont en voie de disparition ( los chimpancés de África del oeste (Pan troglodytes verus) están en peligro de extinción ), à cause de la perte et de la dégradation de leur habitat par l’activité humaine, les maladies, le braconnage, le trafic illégal et le changement climatique, entre autres causes. Depuis 2009, l’IJGE Senegal travaille dans la région pour protéger cette sous-espèce et son habitat.

Source : Instituto Jane Goodall Espana

Traduction: JGI France