Un centre unique pour les chimpanzés

La mission de ce centre de renommée mondiale est de mener des projets de recherche à long terme, fondamentale et appliquée, pour poursuivre et faire progresser la science fondamentale et appliquée. Et former des scientifiques tanzaniens.

A ce jour, plus de 600 publications portant sur la santé et le comportement des chimpanzés ont émergé de Gombe, avec des milliers de chercheurs référençant ce matériel chaque année.

L’une des études majeures actuellement en cours est dirigée par le Dr Beatrice Hahn de l’Université de l’Alabama. Elle a pour objectif de parvenir à comprendre l’histoire naturelle du VIH en étudiant les facteurs de transmission du virus étroitement apparenté de l’immuno-déficience simienne.

Le suivi du groupe de chimpanzés sauvages le plus étudié au monde.

Les chimpanzés de Gombe sont quotidiennement suivis par l’équipe de chercheurs tanzaniens du Jane Goodall Institute. Les études réalisées sur place permettent de récolter de nombreuses informations comme les naissances, les décès ou encore leur position géographique. Toute information pertinente qui permet de mieux comprendre les chimpanzés, leurs comportements, leurs habitudes alimentaires, leurs aires de répartition, leur santé… Ces données sont d’une aide précieuse pour la science, mais également pour la mise en place de stratégies de conservation de l’espèce, ainsi que pour la formation de scientifiques tanzaniens.

Parmi les découvertes réalisées à Gombe, nous pouvons citer :

  • Les femelles chimpanzés quittent le groupe lorsqu’elles sont en âge de se reproduire ;
  • Les relations mère-nourrissons sont étudiées pour déterminer l’impact qu’elles peuvent avoir sur la survie du bébé ;
  • Les mâles chimpanzés rivalisent pour obtenir le pouvoir et la domination au sein du groupe.

Les études menées sur le long terme fournissent des informations précieuses sur les écosystèmes ainsi que sur la santé des espèces. Ce sont des informations primordiales pour nos actions de conservation sur le terrain.  

Les chimpanzés de Gombe sont connus dans le monde entier, en particulier ceux de la famille dite « F », une lignée débutée par l’ancienne matriarche Flo, qui, à sa mort, a fait l’objet d’une nécrologie dans le journal Times.

Le Gombe One Health hub 

Le concept One Health

Le concept « One Health » ou « une seule santé » en français, est mis en avant depuis le début des années 2000, avec la prise de conscience des liens étroits entre la santé humaine, celle des animaux et l’état écologique de l’environnement. Il vise à promouvoir une approche pluridisciplinaire et globale des enjeux sanitaires.

L’approche scientifique du Jane Goodall Institute intègre depuis son origine les besoins et les menaces auxquels sont confrontés les hommes, les autres animaux et l’environnement, car ces trois éléments doivent fonctionner en harmonie pour garantir la durabilité de chacun. L’Institut est depuis longtemps un partisan des approches intégrées et holistiques, adoptant dès le départ une stratégie « One Health ».

La menace des zoonoses est de plus en plus grande et de nombreux scientifiques prédisent que la prochaine grande pandémie, après la COVID 19, sera le résultat de notre déséquilibre avec le monde naturel.

Le Gombe One Health Hub du Jane Goodall Institute constitue une plateforme de santé écosystémique dirigée par la communauté locale et dédiée à la surveillance et à la compréhension des débordements zoonotiques.

Le laboratoire vétérinaire de l’Institut à Gombe (Tanzanie) surveille les maladies ainsi que la capacité de détection et de réponse aux épidémies. L’équipe du laboratoire déploye des méthodes non invasives de diagnostic, rapides, sur place, grâce au processus de réaction en chaîne par polymérase (PCR), qui permet à l’Institut de mettre à l’échelle un petit échantillon d’ADN pour une étude plus complète.

Pour mieux comprendre, anticiper et traiter les maladies zoonotiques, le centre One Health de Gombe utilise les technologies ArcGIS d’Esri pour intégrer des données éparses (comme des cartes d’habitat de la faune sauvage, des plans d’utilisation des terres par les humains…). Ou des technologies de Microsoft.

Ces informations sont mises à la disposition de l’équipe du Jane Goodall Institute grâce à la surveillance communautaire, en utilisant les technologies mobiles pour inclure les protocoles One Health.

D’autres espèces à l’étude

Un centre de recherche qui étudie d’autres espèces dont les babouins

Depuis 1972, le Centre de Recherche de Gombe Stream a mené des recherches de terrain sur les babouins (catégorisés comme des Cercopithecidae ou primates de l’Ancien Monde), dirigées par le Dr Tony Collins, responsable de la collection de données sur les populations de babouins dans le parc. A l’origine, l’objectif principal de la recherche était l’écologie et le suivi des vies individuelles des babouins de Gombe, mais ce périmètre a rapidement évolué pour étudier la transmission de maladies, la conservation et les changements écologiques de long-terme sur la vie sauvage. 

Ce projet de recherche existe depuis plus de 40 ans, grâce au travail de collecte des données d’assistants de terrain Tanzaniens et de scientifiques superviseurs. Les études ont suivi la population de babouins et leurs vies individuelles, résultant en des preuves et théories à la fois uniques et fascinantes, par exemple concernant la compétition agressive chez les femelles liées à leurs contraintes de reproduction. 

L’analyse de données est menée en collaboration avec le Centre du JGI pour les Études sur les Primates sur le campus de l’université du Minnesota, dirigé par le Dr Anne Pursey, une disciple de la Dr Jane Goodall. 

Cette étude a semblé importante au Jane Goodall Institute car le babouin est l’une des espèces dominantes du Parc National. 

Contrairement à l’étude des chimpanzés qui se concentre sur environ 85 individus, l’étude de long-terme concernant les babouins permet la récolte d’informations sur davantage d’individus : plus de 200.

Au cours de chaque étude, un certain nombre d’informations sont relevées : l’évolution du nombre d’individus dans le groupe, les naissances, les décès, etc. Les scientifiques ont ainsi observé une augmentation de la population des babouins dans deux de ces groupes. D’autres informations sont aussi récoltées sur la santé des groupes de babouins et des individus en son sein, données qui indiquent si les individus peuvent être sensibles à des malades chroniques, comme a pu l’être un des groupes étudiés.

Il est également important d’analyser leur relation aux chimpanzés. 

Les études ont ainsi mis en avant trois liens principaux entre ces deux espèces :

  • Les chimpanzés sont des prédateurs pour les babouins, particulièrement pour les bébés ;
  • Il existe entre eux une compétition car les babouins, contrairement aux chimpanzés, peuvent digérer des fruits qui ne sont pas encore mûrs ; mais en attendant que les fruits mûrissent, les babouins ont le temps d’en consommer une grande partie, privant ainsi les chimpanzés d’une partie de leurs ressources ;
  • Les chimpanzés et les babouins mangeant beaucoup des mêmes types de fruits, ils sèment des graines : une relation coopérative qui permet à leur habitat de se renouveler et de supporter leur charge sur le long terme.

Des différences de comportement ont également été observées, comme le fait que les chimpanzés voyagent plus loin et sont plus dispersés, alors que les babouins sont plus nombreux et se dispersent de manière plus locale.

L’histoire du centre

Envoyée par le paléo-anthropologue Louis Leakey pour étudier le comportement de nos plus proches parents, Jane Goodall a commencé à étudier les chimpanzés de Gombe (Pan troglodytes) en 1960. Grâce à des observations quotidiennes depuis le sommet des collines, elle a découvert que les chimpanzés chassent les mammifères et fabriquent des outils pour capturer les insectes. 

En 1963, elle a rapidement habitué les chimpanzés en leur fournissant des bananes, ce qui a permis une observation sans précédent du comportement social, de la vie familiale et des différences individuelles. 

Grâce à ses publications et à ses films, Goodall a fait découvrir au monde les profondes similitudes de comportement entre les chimpanzés et les humains. 

Le suivi des individus a commencé en 1968 et a été systématisé à l’aide de feuilles de contrôle et de cartes en 1970. 

Depuis lors, des chercheurs tanzaniens effectuent des suivis quotidiens toute la journée et les ont étendus à une deuxième communauté dans les années 1980. 

Une base de données numériques de ces informations permet d’analyser des sujets que seules des années d’étude permettent de découvrir, notamment les explications écologiques de l’organisation sociale, les modèles de compétition, de coopération et l’influence de la dominance, de la parenté et de la personnalité sur le développement et le succès de la reproduction. La collecte de fèces, d’urine, de plantes et d’insectes au cours des trois dernières décennies, fournit du matériel pour les études génétiques, physiologiques, alimentaires, du microbiome et des maladies. La vidéographie et la photogrammétrie enregistrent les détails du comportement et du développement. Inspirés par le travail de pionnier de Jane Goodall, les scientifiques ont mis en place d’autres études à long terme, offrant ainsi de riches possibilités de travaux comparatifs dans cette course contre la montre pour comprendre et conserver cette espèce menacée.